Tintin et les Cigares du pharaon : comment la malédiction de Toutankhamon a inspiré Hergé

 

Tintin et les Cigares du pharaon : comment la malédiction de Toutankhamon a inspiré Hergé

2000002982373Les Cigares du pharaon est un album de bande dessinée, le quatrième des Aventures de Tintin, créées par le dessinateur belge Hergé.

L’Égypte n’occupe que cinq planches des Cigares du pharaon. Assez pour qu’Hergé évoque le plus célèbre de ses rois. Mais, depuis, la science a percé les secrets qu’il gardait dans sa tombe soupçonnée d'engendrer une malédiction sur quiconque l'ouvrira. Alors que Tintin fête ses 94 ans en 2024, retour sur ses aventures teintées de momimania.

Cigares

La Méditerranée, la péninsule arabique, les Indes britanniques : les Cigares du pharaon nous font voyager à un rythme plus haletant que toutes les autres aventures de Tintin. Pourtant, l’étape égyptienne est essentielle. Elle n’occupe que 5 des 62 planches de l’album, mais elle lui donne sa couleur.

Contexte

Surtout, elle permet à Hergé d’évoquer un contexte alors très porteur : l’exhumation du tombeau de Toutankhamon par Howard Carter en novembre 1922. Dix ans pile avant que l’auteur n’entreprenne la quatrième aventure de son héros.

Rumeur

"À l’époque, personne ne pouvait échapper à la rumeur de cette découverte", rappelle Vincent Rondot, directeur du département des Antiquités égyptiennes du Louvre.

Mausolée

Certes, le mausolée que visite Tintin se trouve près du Caire, alors que Toutankhamon reposait à 700 kilomètres plus au sud, non loin de Louxor. Mais pour ce spécialiste, il semble évident que le pharaon d’Hergé et celui de Carter ne font qu’un.

Album

En décembre 1932, lorsque le dessinateur débute la publication de son album, l’Europe est traversée par une seconde vague d’égyptomanie.

Bonaparte

La première avait fait suite à la campagne de Bonaparte en 1798 et à la publication, à partir de 1809, de la Description de l’Égypte, dont les planches eurent une influence considérable sur toutes les formes d’art.

Découverte

La découverte, au coeur de la vallée des Rois, du caveau "KV 62", où reposait la momie d’un jeune pharaon, relança la passion. Elle fut largement médiatisée, notamment grâce aux clichés pris par Harry Burton, le photographe de l’équipe, qui dévoilent des milliers d’objets retrouvés dans la tombe.

Trésor

À partir de 1922, le détail de ce trésor funéraire s’égraina dans la presse durant plus de dix ans, au fil du dégagement des différentes salles, de la numérotation des objets et de leur envoi par bateau ou par train jusqu’au Caire.

Site

Dès sa mise au jour, le site devint une attraction touristique. À l’hiver 1926, il vit ainsi défiler quelque 12 000 visiteurs ! Si bien qu’au moment où paraissent les premiers épisodes des Cigares du pharaon, rien n’est plus à la mode que le motif égyptisant. Ce dernier inspire les collections des grands magasins, la haute couture, les créations de René Lalique…

Malédiction

La "malédiction de Toutankhamon", bien sûr, n’est pas pour rien dans cet intérêt renouvelé pour l’Égypte antique. Médiatisée, elle veut que quiconque entre dans son tombeau, soit frappé de mort.

2000002982373La chambre funéraire de Toutankhamon, dans la vallée des Rois, en Égypte.

Croyance

Cette croyance enflamma les imaginations à partir d’avril 1923, à la suite du décès de lord Carnavon, le commanditaire des fouilles. En douze ans, au moins 27 personnes proches de l’expédition décédèrent de causes suspectes.

Sort

L’écrivain Conan Doyle, père de Sherlock Holmes, fut l’un des premiers à propager l’idée d’un sort ancestral destiné à protéger la sépulture. Agatha Christie s’en empara à son tour dans sa nouvelle. L’Aventure du tombeau égyptien, publiée dès septembre 1923.

Momies

Hergé, lui, s’en sert de fil rouge. Tintin se retrouve face aux momies alignées de 19 égyptologues, dans leur cercueil, avec leurs noms et dates de décès. Et de s’exclamer : "Tous les savants qui ont violé la sépulture du pharaon Kih-Oskh ! Les malheureux, ils ont payé cher leur découverte !"

Savants

C’est l’occasion d’un jeu cocasse autour des savants momifiés. Lord Carnawal, la momie n° 19, évoque bien sûr lord Carnavon. Dans la première édition, le professeur Sauerkraut ("choucroute") côtoie déjà I.E. Roghliff ("hiéroglyphe"). Bref, l’Égypte est d’abord une toile de fond sur laquelle Hergé laisse parler son imagination débordante.

Hiéroglyphes

En regardant bien, on se rend compte que les hiéroglyphes de la planche 8 sont truffés de symboles anachroniques : des guillemets, un point d’exclamation, un téléphone et une automobile. Et des pipes, dont la présence intrigue dans une histoire… De cigares.

Théorie

Le dessinateur a aussi gardé en mémoire une théorie en cours à l’époque, qui veut que la mort des chercheurs soit due à des gaz dégagés par les bandelettes de la momie. D’où le morceau de bravoure onirique de la scène de l’asphyxie.

Vérités

Celle-ci montre que l’auteur a respecté certaines vérités archéologiques. Anubis, le dieu chien, patron des embaumeurs, qui apparaît dans les clichés réalisés par Harry Burton du tombeau de Toutankhamon, y a toute sa place.

Vincent Rondot

"Figure centrale du panthéon égyptien, il est celui qui guide l’âme du défunt lorsqu’il quitte le monde des vivants, remarque Vincent Rondot. De ce point de vue, sa présence au moment où Tintin est évanoui s’avère très pertinente."

Posture

Dans ce même épisode, la posture assise de Dupont et celle de son acolyte, debout et tenant une allumette, forment une fidèle reproduction d’une scène qui figure sur le dossier d’un trône doré retrouvé dans la tombe de Toutankhamon. Dupont est à la place du pharaon, Dupond à celle de son épouse Ankhsenamon.

Idée

Quant à l’idée de momifier Milou, il n’y a là rien de farfelu. "On embaumait bien les animaux, rappelle Vincent Rondot. Nous conservons plusieurs momies de chiens au Louvre, dont une que les gardiens surnomment affectueusement… Milou !

Sarcophages

En revanche, l’alignement des sarcophages en position debout, comme on le voit dans l’album, est tout à fait incongru. Mais ce qui est drôle, c’est que le Louvre a créé une scénographie qui s’en inspire. Ainsi, comme dans Tintin, nous avons une très belle salle avec sa haie de sarcophages… La fiction influence parfois la réalité."

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Frédérique Durand : enquête sur les trésors enfouis de Notre-Dame de Paris

Bruges : une surprenante trouvaille dans des latrines du XVe siècle

Le mystère du gouffre d'Uriane