Un Français décrypte une écriture non déchiffrée de plus de 4 000 ans

 

Un Français décrypte une écriture non déchiffrée de plus de 4 000 ans

2000002982373"Inscription B" en élamite linéaire retrouvée sur un galet gravé provenant de Suse, Iran, attribuée au souverain Puzur-Shushinak (2150 - 2100 av .J. -C), (Musée du Louvre) à gauche ; "Inscription K" en élamite linéaire figurant sur un vase Gunagi en argent daté de 1900/1880 av. J. -C (Iran), à droite.

François Desset est parvenu à déchiffrer l’élamite linéaire, un système d’écriture utilisé en Iran il y a 4.400 ans. 

Écriture

Dans sa version archaïque proto-élamite (dès 3 300 avant J.-C.), celle-ci rejoint les deux systèmes d’écritures les plus anciens connus au monde, le proto-cunéiforme des Mésopotamiens et les hiéroglyphes égyptiens.

Connaissances 

De quoi modifier les connaissances que l’on avait jusque-là sur l’origine de l’écriture !

François Desset

L’archéologue français François Desset, du Laboratoire Archéorient à Lyon, a annoncé le 27 novembre 2020 qu’il avait réussi à déchiffrer des inscriptions vieilles de 4.400 ans ! Toutes étaient rédigées en élamite linéaire, une écriture utilisée par les Elamites qui peuplaient alors l’Iran. 

Découverte

Les érudits réunis en ligne pour prendre connaissance de cette découverte depuis le département des biens culturels de l’Universita degli Studi di Padova de Padoue (Italie), ont été enthousiastes. 

Système

Voici en effet plus d'un siècle que ce système d’écriture, utilisé sur le plateau iranien dans l’ancien royaume d’Elam (actuel Iran) entre la fin du 3e millénaire et le début du 2e millénaire avant notre ère, échappait au déchiffrement, comme c’est encore le cas pour le linéaire A crétois ou l’écriture de la vallée de l’Indus.

Félicitations

Entre marques d’admiration et félicitations des confrères, le Français, fraîchement débarqué de l’Université de Téhéran (Iran) où il enseigne depuis 2014.

Site

"Cette écriture avait été découverte pour la première fois sur l’antique site de Suse (Iran) en 1901 et que depuis 120 ans nous n’étions pas parvenus à lire ce qui avait été inscrit il y a 4.400 ans faute d’avoir trouvé la clé". 

Année

Chose désormais faite cette année (grâce à l’opportunité offerte par la quarantaine dans son appartement à Téhéran et la collaboration de trois autres collègues, Kambiz Tabibzadeh, Matthieu Kervran et Gian-Pietro Basello).

2000002982373Déchiffrer pour la première fois une écriture vieille de quatre millénaires : c’est l’exploit d’un archéologue rattaché à l’Université de Téhéran et au Laboratoire CNRS Archéorient de Lyon, François Desset.

Exemples

Les plus anciens exemples d'écriture connus à ce jour proviennent de Mésopotamie (Irak actuel) et remontent à l’Age du Bronze, vers 3 300 ans avant J.-C. Il s’agit des tablettes proto-cunéiformes. Or, le déchiffrement de l’élamite linéaire remet en question cette suprématie ! 

Appelée

Nous découvrons en effet que vers 2300 avants J.-C., un système d'écriture parallèle existait en Iran, et que sa version la plus ancienne appelée l’écriture proto-élamite.

Temps

(3 300 avant J.C. -2900 avant J.-C.) cette écriture remontait aussi loin dans le temps que les premiers textes cunéiformes mésopotamiens ! 

Mésopotamie

Précise François Desset. Aussi, je peux aujourd’hui affirmer que l’écriture n’est pas d’abord apparue en Mésopotamie puis plus tard en Iran. Ces deux systèmes, le proto-cunéiforme mésopotamien et le proto-élamite Iranien, ont en fait été contemporains !

Sœurs 

Il n’y a pas eu une écriture mère dont le proto-élamite serait la fille, il y a eu deux écritures sœurs. 

Iran

D’autre part, en Iran, il n’y a pas eu non plus deux systèmes d’écritures indépendantes comme les spécialistes le pensaient jusque-là, avec le proto-élamite d’un côté et l’élamite linéaire de l’autre.

Variations

Mais une même écriture qui a été soumise à l'évolution historique et a été transcrite avec des variations au cours de deux périodes distinctes.

Déchiffrée

C’est cette forme la plus récente de l’écriture iranienne (l’élamite linéaire) qui a pu être déchiffrée. 

Suse

Il s’agit, à l’heure actuelle, de quarante inscriptions provenant du sud de l’Iran, depuis l’antique ville de Suse, en passant par le Fars (avec la région de Kam Firouz et la plaine de Marv Dasht, juste à côté du célèbre site achéménide de Persépolis). Puis le Sud-Est iranien avec Shahdad et le célèbre site de Konar Sandal / Jiroft. 

Mixte

Contrairement au cunéiforme mésopotamien, qui est un système d’écriture mixte alliant des phonogrammes (signes transcrivant un son) à des logogrammes (signes transcrivant une chose, une idée, un mot). L’élamite linéaire présente quant à lui la particularité, unique au monde.

Millénaire

Au 3e millénaire avant J.-C., d’être une écriture purement phonétique (avec des signes notant des syllabes, des consonnes et des voyelles), utilisée d’environ 3 300 à 1900 avant J.-C., l’écriture iranienne a considérablement évolué entre ses textes les plus anciens.

Processus

(Les tablettes Proto-Elamites) et les plus récents (les textes en élamite linéaire), avec notamment un processus "d’écrémage". 

Signes

Des 300 signes de départ permettant de noter les noms propres dans les tablettes proto-élamites (dont la grande majorité est conservée à l’heure actuelle au Musée du Louvre). Il n’en restera que 80 à 100 par la suite en élamite linéaire, sa version la plus récente.

Centaine 

Une centaine de signes utilisés donc en continu pendant quelque 1400 années et généralement écrits de la droite vers la gauche et du haut vers le bas. 

Divisé

"Pour travailler, nous avons divisé la quarantaine de textes dont nous disposions en 8 corpus, en fonction des provenances et des époques"

Souverains

"Car l’élamite linéaire a été utilisé de 2300 à 1900 avant J.-C. sous le règne de différents souverains et dynasties et dans différentes régions", poursuit l’archéologue. 

Inscriptions 

La plupart des textes sont des inscriptions royales, assez répétitives, dédicacées à d’anciens dieux, du type : "Je suis (le nom), le grand roi de (nom), le fils de (nom du père), j’ai fait cet objet pour [nom du dieu ou d’une personne)".

Vases

Pour François Desset, le "déclic" du déchiffrement s’est produit en 2017 lors de l’analyse d’un corpus de 8 textes rédigés sur des vases en argent, qualifiés de "vases gunagi", datés vers 2000-1900 avants J.-C. Venant de tombes de la région de Kam-Firouz (à l’heure actuelle conservée dans une collection privée à Londres). 

Repérer 

Comme ces vases présentaient des séquences de signes très répétitives, standardisées à vrai dire, l’archéologue a pu ainsi repérer les signes servant à noter les noms de deux souverains. 

Divinité

Shilhaha et Ebarti II (ayant régné tous les deux vers 1950 avants J.-C.) et de la principale divinité vénérée alors dans le sud-ouest de l’Iran, Napirisha.

Langue

L’écriture élamite linéaire note une langue particulière, l’élamite. Il s’agit d’un isolat linguistique ne pouvant être rattaché à l’heure actuelle à aucune autre famille linguistique connue, à l'exemple du basque. 

Déchiffrement

"Jusqu’à ce déchiffrement, tout ce qui concernait les populations occupant le Plateau iranien provenait d’écrits mésopotamiens". 

Découvertes

Ces nouvelles découvertes vont enfin nous permettre d’accéder au propre point de vue des hommes et femmes occupant un territoire qu’ils désignaient par Hatamti, alors que le terme d'Elam par lequel nous le connaissions jusque-là, ne correspond en fait qu’à un concept géographique externe, formulé par leurs voisins Mésopotamiens".

Implications

Des implications importantes sur l'histoire iranienne ; sur le développement de l'écriture en Iran en particulier, et au Proche-Orient en général, avec des considérations sur la continuité entre les systèmes d'écriture proto-élamite et élamite linéaire. 

Documentée

Et sur la langue hatamtite (élamite) elle-même, désormais mieux documentée dans sa forme la plus ancienne et rendue désormais accessible pour la première fois par un système d'écriture autre que le cunéiforme mésopotamien.

Craquage

La France, par ce nouveau décryptage, maintient sa primauté dans le "craquage" des anciens systèmes d'écritures perdus.

Autoroute

Quant à François Desset, il s'est déjà lancé dans le déchiffrement de l'état le plus ancien de l'écriture iranienne, les tablettes proto-élamites, pour lesquelles il considère avoir désormais ouvert une "autoroute".

2000002982373Inscription en élamite linéaire dans la partie supérieure de ce vase en argent provenant de Marv Dasht (Iran), daté du 3e millénaire avant J.-C. © François Desset.

Confondre

Il ne faut pas confondre langue (les sons parlés) et écriture (les signes visuels). Ainsi, un même système d’écriture peut être utilisé pour noter des langues différentes. 

Alphabet

L’alphabet latin permet actuellement de transcrire le français, l’anglais, l’italien ainsi que le turc par exemple. 

Transcrire

De la même façon, l’écriture cunéiforme des Mésopotamiens permettait de transcrire plusieurs langues comme l’akkadien (langue sémitique), le vieux perse (langue indo-européenne) ou bien encore l’élamite et le sumérien (isolats linguistiques). 

Transcrite

Inversement, une langue peut également être transcrite par différents systèmes d’écriture comme le persan. (Une langue indo-européenne) qui s’écrit à l’heure actuelle aussi bien avec l’alphabet arabe en Iran.

Surprenant

(Et parfois l’alphabet latin avec le surprenant phénomène du fingilish), que l’alphabet cyrillique au Tadjikistan alors qu’il a été noté par le passé avec un système cunéiforme à l’époque achéménide (ca. 520 - 330 avant J.-C., pour le Vieux Perse) ou l’alphabet araméen à l’époque sassanide (3ème 7ème siècle de notre ère pour le Moyen Perse). 

Connue

Dans le cas de la langue élamite, elle était connue jusqu’à présent uniquement à travers l’écriture cunéiforme. 

Accès

Avec le déchiffrement de l’écriture élamite linéaire réalisé par François Desset, nous avons désormais accès à cette langue à travers un système d’écriture probablement développé exprès pour elle et reflétant donc mieux les subtilités phonologiques de cette langue que l’écriture cunéiforme.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Frédérique Durand : enquête sur les trésors enfouis de Notre-Dame de Paris

Le Trou du vent en Dordogne n’a pas encore livré tous ses secrets

Bruges : une surprenante trouvaille dans des latrines du XVe siècle