Everest : le mystère Mallory et Irvine persiste

 

Everest : le mystère Mallory et Irvine persiste

Mallory1 fit 687x370© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma.

Mallory et Irvine : y a-t-il, dans toute l’histoire de l’alpinisme, une cordée plus célèbre ? Une cordée qui aura fait couler plus d’encre ? 

Disparition

Près de 100 ans après leur disparition sur les pentes supérieures de l’Everest le 8 juin 1924, l’impénétrable destin de George Mallory et Sandy Irvine n’a toujours pas fini de faire parler et la clé du mystère est toujours coincée dans ce fichu Kodak Vest Pocket.

Enquête

L’enquête, rendra-t-elle seulement un verdict un jour ? Pas sûr.

Laborieuse

Après la laborieuse expédition de 1921 qui avait permis à George Mallory et ses compagnons d’atteindre le col Nord et de repérer une voie d’accès vers le sommet.

Britanniques

Les Britanniques avaient compris que pour aller plus haut, il fallait œuvrer avant la mousson, ce qui laissait peu de temps pour organiser une nouvelle expédition au printemps de l’année suivante.

Équipe

Au début du mois de mai 1922, une nouvelle équipe débarque pourtant au camp de base avec le général Charles Bruce à sa tête.

George Mallory

Avec Edward Norton, Howard Somervell, Geoffrey Bruce et surtout George Finch, as de l’escalade glacière, George Mallory est bien mieux épaulé que l’année précédente, et à la mi-mai, les hommes sont déjà rendus sur la rampe de lancement du col Nord.

Premiers

Le 20 mai, Mallory, Somervell, Norton et Morshead sont les premiers êtres humains à franchir la barre mythique des 8 000 mètres et, avant de faire demi-tour, le quatuor établit un nouveau record mondial d’altitude en atteignant 8 225 mètres.

Oxygène

Deux jours plus tard, ce sont George Finch et Geoffrey Bruce qui s’élancent à leur tour, équipés d’un tout nouveau matériel qui fait déjà débat : l’oxygène artificiel. Grâce à « l’air anglais », comme l’appellent les sherpas, les deux hommes portent la marque à 8 326 mètres.

Mousson

Début juin, la mousson approche et les hommes sont éreintés, mais Mallory en veut encore. Motivé comme jamais, il se démène pour organiser une ultime tentative qui se terminera, le 7 juin.

Drame

Un terrible drame avec la mort de sept sherpas emportés par une avalanche près du col Nord. Mallory rentre en Angleterre rongé par le remords et un impérieux besoin de revenir.

Patienter

Mallory doit pourtant patienter deux ans avant de pouvoir retourner vers le sommet de ses rêves. Le Mont Everest Committee manquant de fonds pour organiser une nouvelle expédition, l’année 1923 est consacrée à une lucrative tournée de conférences à travers le monde.

Pourquoi

C’est au cours de l’une d’entre elles, à New York, que Mallory lâche son fameux « Parce qu’il est là ! » En réponse à un journaliste du New York Times qui lui posait toujours cette même question : pourquoi vouloir gravir l’Everest ?

Retour

Les Britanniques, toujours emmenés par le général Bruce, sont de retour sur le glacier du Rongbuk, avec une belle cargaison de bouteilles d’oxygène, mais sans George Finch, écarté en raison de son caractère un peu trop volcanique.

Compétences

Ses compétences en glace et dans le maniement des appareils à oxygène font défaut, mais pour le remplacer, le comité de l’Everest fait appel au jeune Andrew « Sandy » Irvine dont les talents de bricoleur compensent le manque d’expérience en montagne.

Expérience

Avec l’expérience emmagasinée lors des deux expéditions précédentes, Mallory est cette fois-ci persuadé que le sommet lui tend les bras. 

Débuts

Les débuts sont pourtant laborieux. La météo est exécrable, les hommes souffrent de l’altitude et les porteurs, encore très marqués par le drame de 1922, sont plus réticents à l’idée de s’aventurer là-haut. 

Tentative

À la fin du mois de mai, aucune tentative sommitale n’a encore eu lieu et la mousson approche. Il faut revoir les plans et abandonner l’idée de grimper avec l’oxygène artificiel, trop gourmand en logistique. 

Camp

Le 3 juin, Howard Somervell et Edward Norton établissent un camp VI à 8 170 mètres puis s’élancent vers le sommet le lendemain matin. Somervell renonce vers midi et regarde son compagnon s’élever lentement jusqu’au pied d’un long couloir (le futur couloir Norton) qu’il a repéré, légèrement en dessous de l’arête. 

Norton

Norton fera finalement demi-tour à l’altitude prodigieuse de 8 570 mètres, nouveau record. 

Monter

Personne ne réussira à monter plus haut sans oxygène jusqu’à la première de Reinhold Messner et Peter Habeler, 54 ans plus tard. Pendant ce temps-là, au col Nord, Mallory prépare la suite… Et sa fin.

Oxygène

Après avoir fermement condamné son utilisation lors de l’expédition de 1922, Mallory finit par admettre qu’il est impossible d’aller au sommet sans oxygène artificiel. 

Col 

Le 6 juin 1922, depuis le col Nord où les sherpas ont réussi à déposer quelques cylindres, Sandy Irvine vérifie les derniers réglages avant de hisser le lourd chargement sur son dos. 

Avis

Contre l’avis de Norton qui jugeait l’expérience alpine de Noel Odell bien plus précieuse, Mallory a donc choisi de privilégier le jeune Irvine (22 ans seulement) et ses aptitudes à dompter ces fameux appareils au fonctionnement parfois erratique. 

Matin

À 8 h 40, ce matin-là, les deux hommes quittent le col Nord et se mettent en route vers la cime.

Promontoire

Deux jours plus tard, alors qu’il vient d’escalader un petit promontoire vers 7 000 mètres pour tester sa forme.

Noel Odell

Noel Odell lève la tête et aperçoit soudain deux petites silhouettes progressant lentement en direction de la pyramide sommitale de l’Everest, il est 12 h 50, le mauvais temps se lève, Mallory et Irvine disparaissent dans les nuages. On ne les reverra jamais.

Mallory4 fit 687x370© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma

Scène

Quelle scène s’est donc jouée, ce fameux 8 juin 1924, lorsque le rideau nuageux s’est baissé sur les pentes sommitales de l’Everest, théâtre de tous les mystères ? Qu’est-il arrivé à Mallory et Irvine, les deux acteurs de la tragédie ? 

Jour

Nul ne le sait vraiment, mais depuis ce jour fatidique, l’histoire de l’alpinisme vacille : avant de disparaître, les deux hommes ont-ils atteint le Toit du monde, 29 ans avant Edmund Hillary et Tenzing Norgay ? Faudra-t-il, un jour, réécrire le scénario ?

Enquête

L’enquête, toujours en cours à ce jour, débute par l’analyse du récit de Noel Odell, le dernier à les avoir vus vivants.

Témoignage

Odell ne sait pas dire avec précision où se trouvaient les deux alpinistes avant de disparaître. Étaient-ils arrivés au niveau du premier ou du deuxième ressaut ?

Détail

Le détail a de l’importance puisque si le premier ressaut n’a rien d’insurmontable, le deuxième, situé à 8 600 mètres d’altitude, est en revanche un sérieux obstacle sur la voie tibétaine de l’Everest. 

Sommet

Le franchir, c’est s’ouvrir la porte du sommet. « Comme une seule partie de l’arête sommitale est visible, il m’est impossible de dire avec une certitude absolue qu' ils étaient arrivés aux deux ressauts : vus d’en bas et de profil, ils se ressemblent beaucoup. » 

Odell

Sur le moment, j’ai cru qu’il s’agissait du deuxième ressaut. « Rétrospectivement, je me demande si ce dernier ne m’aurait pas été caché par des rochers au premier plan », dira Odell.

Indice

Le deuxième indice de l’enquête arrive en lorsque les Britanniques reviennent à l’Everest après neuf ans d’abstinence. le 30 mai 1933, Lawrence Wager et Percy Wyn-Harris découvrent un piolet posé sur une dalle rocheuse, environ 200 mètres sous le premier ressaut

Inscription

L’inscription « Willisch de Täsch », nom du fabricant suisse, et les trois petites encoches découvertes sur le manche confirment qu’il s’agit bien de celui de Sandy Irvine. 

Hypothèse

Le piolet et la torche électrique retrouvée dans les restes du camp VI permettent d’établir une première hypothèse, celle de la chute dans l’obscurité. Aucune des autres expéditions organisées pendant les années 1930 ne trouvera le moindre indice. 

Personne

Et personne ne parviendra à faire mieux que les 8 570 mètres d’Edward Norton…

Guerre

Personne n’y parviendra non plus lors de la décennie suivante puisque la guerre met la conquête de l’Everest entre parenthèses avant que l’ouverture des frontières népalaises aux alpinistes au début des années 1950 n’envoie la suite des opérations sur le versant sud de la montagne où Edmund Hillary et Tenzing Norgay finissent par atteindre le sommet le 29 mai 1953.

Tibet

Le Tibet, lui, est désormais aux mains des Chinois qui ferment l’accès de l’Everest aux étrangers. 

Printemps

Au printemps 1960, une énorme expédition à la solde de Mao revendique finalement la première ascension du versant nord, mais le récit paru dans les organes de propagande du Parti est beaucoup trop confus pour être crédible. 

Lire

On peut notamment y lire que les grimpeurs de tête auraient franchi le deuxième ressaut en sacrifiant l’un des leurs pour jouer le rôle d’échelle humaine. 

Ascension

Plus crédible, semble être la deuxième ascension, réussie 15 ans plus tard par une nouvelle expédition chinoise qui installe cette fois-ci une grande échelle sur le deuxième ressaut et laisse un trépied métallique à demeure au sommet.

Chine

En 1979, la Chine autorise à nouveau les alpinistes étrangers sur son versant nord où une expédition japonaise vient tenter sa chance. 

Wang Hongbao

À cette occasion, un porteur chinois du nom de Wang Hongbao raconte à l’un des grimpeurs japonais que lors de l’expédition de 1975, il a vu, quelque part vers 8 000 mètres, le corps d’un « vieil Anglais mort » qui ne peut être que celui de Mallory ou Irvine. 

Avalanche

Mais Hongbao n’aura pas le temps de donner plus de détail puisque le lendemain de sa déclaration, il est emporté par une avalanche.

Mallory2 fit 687x370© Le Sommet des Dieux – 2021 / Julianne Films / Folivari / Mélusine Productions / France 3 Cinéma / AuRA Cinéma.

Ascension de l’Everest

À partir des années 1980, l’ascension de l’Everest se démocratise et certains historiens passionnés se mettent à rêver d’une expédition entièrement dédiée à la recherche du Vest Pocket de Mallory. 

Expédition 

En 1986, l’Américain Tom Holzel parvient à monter une première expédition de recherche, mais le mauvais temps sape les espoirs avant même d’avoir atteint 8 000 mètres. Il faut attendre près de 15 ans pour voir une nouvelle expédition se lancer sur les traces de Mallory et Irvine.

Jochen Hemmleb

Cette fois, c'est l’Allemand Jochen Hemmleb, lui aussi obsédé par le mythe, qui parvient à mettre sur pied une équipe très expérimentée dont l’Américain Conrad Anker est la tête d’affiche.

Zone

Le 1er mai 1999, Anker et ses compagnons de cordée atteignent la zone de recherche définie grâce au témoignage de Hongbao et commencent à se disperser chacun de leur côté. Peu avant midi, Anker aperçoit soudain une forme d’aspect inhabituel dont la couleur blanche l’intrigue.

Blanc

« Ce n’était pas le blanc étincelant de la neige réfléchissant le soleil », précise-t-il dans À la recherche des fantômes de l’Everest (Glénat, 2000), le livre relatant cette expédition historique. En s’approchant, l’Américain découvre un corps étendu face contre terre, avec une jambe brisée. 

Chaussure

Sous la seule chaussure ayant résisté à ce qui s’apparente à une chute, les clous trahissent l’époque : il ne peut s’agir que de George Mallory ou Sandy Irvine. Quelques minutes, plus tard, ses compagnons le rejoignent et entreprennent quelques fouilles archéologiques. 

Objets

Dans les poches de l’alpiniste, divers objets comme un taille-crayon, une petite paire de ciseaux, un biscuit à la menthe, un mouchoir brodé, une boîte d’allumettes ou une paire de lunettes ; sur le col de sa chemise, une étiquette avec l’inscription : « G. Mallory ». Mais d’un Kodak Vest Pocket, pas l’ombre.

Découverte

La découverte est capitale, mais la clé du mystère est ailleurs, probablement avec le corps de Sandy Irvine qui repose lui aussi quelque part sur le versant nord de l’Everest. Où ? Mystère…

Jochen Hemmleb

En 2001, Jochen Hemmleb organise une nouvelle expédition de recherche qui ne donne rien, mais quelques mois plus tard, coup de théâtre : interviewé par ce même Hemmleb, Xu Jing, l’un des membres de l’expédition chinoise de 1960, raconte que cette année-là, il a vu un corps, juste au-dessus de l’endroit où avait été retrouvé le piolet de Irvine en 1933.

Témoignage 

À partir de ce nouveau témoignage et de l’agrandissement d’une photo aérienne haute définition, Tom Holzel réussit, à la fin des années 2000, à définir une nouvelle zone de recherche vers laquelle plusieurs expéditions tentent leur chance en 2010, 2011 et 2019. Mais toutes rentrent bredouilles…

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Certitude

Près de 100 ans après leur disparition sur l’arête nord de l’Everest, personne n’est aujourd’hui en mesure de dire avec certitude si oui ou non Mallory et Irvine ont pu atteindre le sommet ce 8 juin 1924 avant de perdre pied à la descente.

Photo

Même si beaucoup aimeraient voir un jour apparaître la photo d’un Mallory triomphant sur le Toit du monde, il faut reconnaître que la balance penche très largement en faveur d’un demi-tour bien plus bas. 

Indices

Plus que les quelques indices accumulés au fil des années, c’est la réalité du terrain qui fait dire à ceux qui sont passés par-là (Reinhold Messner en tête) que Mallory et Irvine n’ont pas atteint le sommet, et ce, principalement pour deux raisons. 

Équipement 

La première, c’est celle de l’équipement, bien trop sommaire à l’époque pour se protéger correctement des conditions infernales qui règnent au-dessus de 8 500 mètres où la veste en tweed n’a pas l’efficacité de la doudoune en Gore-Tex.

Encombrement 

Argument auquel on peut ajouter l’encombrement et le poids des appareils à oxygène (plus de 13 kg à l’époque), ainsi que l’absence de crampons dont les lanières entravaient la circulation du sang à haute altitude.

Muraille

La deuxième raison est celle du deuxième ressaut, redoutable muraille de 30 mètres de haut qui se dresse à 8 600 mètres d’altitude peut-être encore plus rédhibitoire que le matériel. 

Échelle 

Depuis 1975, tous les candidats au sommet passant par le versant tibétain de l’Everest utilisent l’échelle métallique installée par les Chinois. 

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Obstacle

Mais en 1924, pour parvenir à leurs fins, Mallory et Irvine auraient dû gravir l’obstacle en utilisant simplement leurs pieds et leurs mains. Ce ressaut, Conrad Anker l’a gravi en 2007 en ayant préalablement fait enlever l’échelle. 

Capacités 

Il a estimé sa difficulté entre 5.9 et 5.10 (6a/6a+ sur l’échelle de cotation française), soit légèrement au-dessus des capacités de Mallory au niveau de la mer, c’est-à-dire sans la fatigue, le froid et le manque d’oxygène. 

Leo Houlding

D’autres comme le Britannique Leo Houlding (en 2007 aux côtés d’Anker) et l’Autrichien Theo Fritsche (en 2011) ont eux aussi gravi le ressaut en libre, mais avec l’entraînement, l’expérience et l’équipement du grimpeur moderne.

Obsession

Il n’empêche que pour ceux qui se passionnent pour cette histoire depuis des décennies, l’affaire semble tourner à l’obsession. 

Mark Synnott

En 2021, l’alpiniste américain Mark Synnott, membre de la dernière expédition de recherche de 2019, a publié un livre (The Third pole, Dutton, non traduit) dans lequel il échafaude une étonnante théorie du complot.

Autorités 

Selon laquelle les autorités chinoises auraient mis la main sur le corps de Sandy Irvine et l’auraient fait disparaître afin de couper court à toute spéculation sur la première du versant tibétain de l’Everest. 

Rebondissement

Crédible ou pas, cet ultime rebondissement ne fait que confirmer ce que le destin de George Mallory avait laissé entrevoir , depuis qu’il a été identifié comme le plus haut sommet du monde, l’Everest rend fou.


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